PROMESSE UNILATERALE DE VENTE : L’EPREUVE DU FORMALISME DE LA LEVEE D’OPTION EN CONTREPOIDS DE L’EXECUTION FORCEE DU CONTRAT

Par Vandrille Spireet Margaux Delporte

Selon l’article 1124 du code civil : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. »

Cet article, issu de la réforme du droit des contrats et du régime des obligations[1] précise en son deuxième alinéa : « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis. ».

Cette disposition a eu pour objectif de mettre fin à la traditionnelle jurisprudence Consorts Cruz[2] qui refusait toute réalisation forcée de la vente sur le fondement de l’article 1142 ancien du code civil selon lequel l’inexécution des obligations de faire se résout en dommages et intérêts.

Une partie de la doctrine a soulevé le caractère potentiellement inconstitutionnel, notamment au regard de la liberté contractuelle, de contraindre le promettant à la réalisation de la vente alors qu’il manifeste le souhait de ne plus aliéner son bien[3].

La pratique s’est dès lors emparée de cette position à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité dont le caractère sérieux a toutefois été dénié par la Cour de cassation empêchant sa transmission au Conseil[4].

La position de l’avocat général a consisté à affirmer le caractère définitif du consentement donné par le promettant au contrat projeté pour dénier toute atteinte à la liberté contractuelle. Le maintien du consentement pendant le délai d’option laissé au bénéficiaire étant le propre du mécanisme de la promesse unilatérale de vente.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a toutefois maintenu la solution classique en refusant la réalisation forcée de la vente en cas de rétractation du promettant s’agissant d’une promesse conclue avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de la réforme[5]. Cette solution est adoptée au visa des articles 1101 et 1134 anciens du code civil, c’est-à-dire sur le fondement de l’absence de rencontre des volontés, condition de validité des contrats.

Ce n’est qu’en juin 2021 que la Cour de cassation va amorcer le revirement de sa jurisprudence en appliquant la solution issue de la réforme aux promesses conclues avant son entrée en vigueur[6]. Arrêt rendu sur renvoi après cassation dans l’affaire susmentionnée, il aurait été opportun de voir se réunir l’Assemblée Plénière pour ancrer le revirement.

Malgré les critiques émises à l’encontre de ce discret revirement, un arrêt du 20 octobre 2021[7] est venu confirmer la nouvelle solution engendrant une uniformité du régime applicable à la rétractation fautive du promettant.

Si le consentement du promettant est donné dès la conclusion de la promesse de vente, le consentement de l’acquéreur-bénéficiaire n’interviendra qu’à sa discrétion dans le délai imparti. La rencontre des volontés est donc différée au moment de la levée de l’option par le bénéficiaire.

Dans ces conditions, se pose la question du formalisme entourant cette levée d’option. En effet, aucune disposition du code civil ne vient encadrer cette modalité de manifestation du consentement qui tombe dès lors dans le champ de la liberté contractuelle.

La pratique contractuelle a vu émerger l’insertion de clauses de réalisation de la vente impliquant la signature de l’acte authentique de vente accompagné du versement des fonds entre les mains du notaire.

Dans cette hypothèse, force est de constater que la vente sera parfaite uniquement lorsque le respect des formes stipulées dans la promesse aura été observé. Il s’agit dès lors de formalités exigées ad validitatem auxquelles les parties ont soumis la levée d’option.

La volonté du bénéficiaire de lever l’option ne doit pas être équivoque et se prouve par tous moyens, cependant la manifestation de cette volonté ne saurait suffire à la conclusion du contrat lorsque des formalités particulières ont été stipulées dans le contrat.

Tel est le cas de la subordination de la réalisation de la vente au versement du prix ou d’une partie de celui-ci et des frais entre les mains du notaire. La Cour de cassation valide la caducité de la promesse en l’absence de consignation du prix de vente - expressément érigée en condition de forme de la levée de l’option – avant l’expiration du délai[8].

L’absence de versement des fonds suffit à rendre la promesse caduque indépendamment des multiples manifestations de l’intention d’acquérir du bénéficiaire[9]. De même, la procuration adressée au notaire pour l’acquisition du bien ne constitue pas une levée d’option en l’absence du versement du prix et des frais entre les mains de ce dernier[10].

En l’absence de versement des fonds devant accompagner la signature de l’acte, le bénéficiaire se trouve déchu de plein droit du bénéfice de la promesse de vente et sera nécessairement débouté de ses demandes tendant à voir déclarer la vente parfaite.

En outre, le bénéficiaire de la promesse qui aurait défailli à consigner les sommes prévues dans la clause « réalisation » de la promesse encourra le risque de se voir condamner au paiement d’une indemnité d’immobilisation en raison de la situation dans laquelle l’acquéreur se trouverait de ne pas pouvoir poursuivre la vente du bien objet de la promesse et du contentieux[11].

 

Le régime applicable à la promesse unilatérale de vente n’étant pas d’ordre public, il est loisible aux parties d’aménager les modalités de la levée de l’option de même que les sanctions de la non-réalisation de la vente.

Du côté du promettant, si la réalisation forcée de la vente est maintenant actionnable quelle que soit la date de conclusion de la promesse et malgré sa rétractation, une disposition du contrat peut exclure cette sanction en prévoyant le versement de dommages et intérêts. Afin d’apporter davantage de précision et d’accroitre les prévisions des parties, le montant des dommages et intérêts peut être fixé à l’avance par l’insertion d’une clause pénale.

Du côté du bénéficiaire, il est recommandé, pour éviter tout contentieux sur l’effectivité de la levée de l’option, d’en définir précisément les modalités. Ces stipulations relatives à la forme de la levée de l’option permettront ainsi à l’acquéreur d’éviter de se rendre coupable d’une non-réalisation fautive de la vente si l’ensemble des conditions suspensives étaient réalisées.

 


 

[1]                Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

[2]                Cass. Civ. 3, 15 décembre 1993, n°91-10.199.

[3]                De l’inconstitutionnalité de l’exécution forcée des promesses unilatérales de vente. Muriel Fabre-Magnan. Recueil Dalloz 2015 p. 826.

[4]                Cass. Civ. 3, 17 octobre 2019, n°953 FS-P+B+I.

[5]                Cass. Civ. 3. 6 décembre 2018, n°17-21.170.

[6]                Cass. Civ. 3. 23 juin 2021, n°20-17.554.

[7]                Cass. Civ. 3, 20 octobre 2021, n°20-18.514.

[8]                Cass. Civ. 3, 21 octobre 2014, n°13-24.197.

[9]                TJ Rennes, 16 novembre 2021, n°19/00653.

[10]              CA Paris, 19 juin 2021, n°18/170567.

[11]              CA Aix-en-Provence, 12 mars 2019, n°17/09359.

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